Guide des visites
Ce guide complet vous présente la Bannockburn Sluicings Historic Reserve près de Cromwell, une étape qui figure dans nos circuits Kiwipal à personnaliser.
Au temps de la ruée vers l'or
J'ai découvert la réserve de Bannockburn tardivement, et par le plus grand des hasards, lorsque Air New Zealand en faisait la promotion à l'aéroport d'Auckland. Une affiche géante révélait un paysage de Far West que je n'arrivais pas à situer en Nouvelle-Zélande !
Un paysage étrange de l'île du Sud, dont l'origine remonte à l'époque des prospecteurs, lorsque la Nouvelle-Zélande connaissait une ruée vers l'or dans l'Otago Central.
C'est un sujet que j'ai d'ailleurs abordé à de maintes reprises sur Kiwipal en présentant les villages d'Arrowtown, le lac de Saint Bathans ou la spectaculaire Karangahake Gorge.
Attention : pour être tout à fait précis, quand je parle de Bannockburn, je ne parle pas du petit village minier historique de 1858 qui se résume à de charmantes habitations sans commerces.
Je vais parler ici de la « Bannockburn Sluicings Historic Reserve », qui fait partie des « Tohu Whenua », un registre du Département de la Conservation (DOC) qui répertorie les sites classés au patrimoine néo-zélandais en raison de leur beauté et de leur intérêt culturel.
Dans le cas présent, ces Bannockburn Sluicings témoignent de l'intense activité minière de l'Otago Central, avec un décor naturel qui évoque davantage les westerns de Sergio Léone que les paysages épiques du Seigneur des anneaux !
C'est d'ailleurs pour cette ambiance que la réalisatrice néo-zélandaise Jane Campion a choisi Bannockburn, et d'autres coins reculés de la région comme Poolburn Reservoir, pour tourner son western « The Power of the Dog ».
Un film pourtant censé se dérouler dans le Montana, et qui lui a valu l'Oscar de la meilleure réalisatrice en 2022, avec pas moins de 12 nominations, notamment pour Benedict Cumberbatch, Kirsten Dunst et Jesse Plemons.
Si vous avez aimé le film au cinéma, voilà une raison de plus de visiter Bannockburn. Mais même en faisant abstraction de tout cela, c'est une sortie originale, presque incongrue dans un pays que l'on associe à des fjords ou des prairies verdoyantes remplies de moutons.
Une visite d'autant plus intéressante, qu'elle n'implique qu'un petit détour sur le trajet entre Queenstown et Wanaka en passant par la ville de Cromwell. Un trajet emprunté par la plupart des voyageurs qui explorent l'île du Sud en passant par l'Otago Central.
Pour vous en convaincre, je vais présenter la randonnée, avec ce que les locaux s'amusent à appeler « le grand canyon de Nouvelle-Zélande ». Et je vous donnerai mon impression générale et quelques conseils utiles pour finir.
En route pour le désert de l'Otago Central
Le voyageur qui longe la rivière Kawarau en voiture, surtout en été ou en automne quand le soleil a desséché la végétation, remarque toujours quelques vestiges qui remontent au temps de la ruée vers l'or.
Des câbles en acier qui enjambent des ravins pour acheminer du matériel, des bâtisses en ruine abandonnées par les pionniers et les immigrés chinois ... c'est tout un héritage qui trahit une époque de dur labeur.
Mais tout ceci n'est rien à côté de Bannockburn où l'argile se mêle au schiste pour former un relief torturé, déchiqueté, presque lunaire.
On se croirait d'ailleurs par moment sur une autre planète, s'il n'y avait les bourdons qui butinent les chardons, le thym sauvage et les touffes de raoulia. Des plantes rustiques, lentes à pousser, et qui résistent tant bien que mal au vent et à la sécheresse.
Avec un décor aussi hostile, on pouvait craindre une route poussiéreuse, où l'on redoute de crever un pneu à chaque virage.
On rejoint pourtant Bannockburn en empruntant une route goudronnée en parfait état et bordée de vignobles. On double seulement quelques tracteurs, et quelques cyclistes en provenance de Cromwell.
Rejoindre le départ de la randonnée est donc d'une simplicité enfantine. Il suffit de quitter la SH6 au niveau de Felton Road pour suivre les panneaux jusqu'à un petit parking.
La Bannockburn Sluicings Track
La « Bannockburn Sluicings Loop Track » où je vous emmène aujourd'hui, est un sentier en boucle de 3,5 km qui traverse ce que les anglophones appellent des « badlands », à savoir des paysages arides constellés de formations rocheuses sculptées par l'érosion.
Le Département de la Conservation classe cette piste en difficulté modérée, ce qui me semble quelque peu exagéré, car nous sommes sur une sortie facile, voire familiale, sur un terrain balisé, bien aménagé et entretenu.
Attention : il ne s'agit pas pour autant d'une promenade praticable avec un bébé en poussette ou même en fauteuil !
Il y a quelques montées avec un bon dénivelé, et des zones au bord de falaises demandent une certaine attention. Mais rien qui puisse justifier de s'alarmer pour autant !
En marchant d'un bon pas, on boucle l'ensemble en moins d'une heure. Mais vous pouvez tabler plutôt sur une heure et demie, sinon deux heures si vous aimez les pauses photo, pique-niquer ou simplement profiter des lieux sans vous presser.
Comme son nom l'indique, la randonnée réalise une boucle, après un tronc commun en ligne droite. Vous pouvez donc l'emprunter dans un sens ou dans l'autre, selon votre humeur ou la lumière du jour, même si je préfère attaquer par la droite.
Le hors-piste est en revanche vivement déconseillé, car le décor est fragile, et le moindre contact pourrait nuire à l'aspect général de la réserve.
Il y a aussi d'anciens puits miniers masqués et un risque de chute de pierres ou de glissements de terrain. Car si nous sommes dans une région viticole sèche, la pluie n'est pas rare pour autant, même si elle n'est que partiellement responsable de l'état des lieux.
Un désert engendré par la soif de l'or
Autant vendre la mèche dès à présent : ce paysage étrange n'est pas naturel ! Bannockburn est un désert artificiel, un lieu dévasté par la redoutable technique de l'Hydraulic Sluicing employée dès 1860.
Il s'agissait alors de projeter de l'eau à haute pression pour décomposer la roche et extraire l'or alluvial. Certes, on ravageait l'écosystème par la même occasion, mais cela ne dérangeait personne à l'époque.
La même technique employée à Saint Bathans a permis de raser intégralement une colline d'une centaine de mètres !
Mais ce n'était pas une partie de plaisir ! Avant de pouvoir projeter la moindre goutte, encore fallait-il creuser à la main des kilomètres de canaux, les fameuses « water races » et construire des barrages pour détourner des rivières !
Il serait d'ailleurs juste de rappeler que nous sommes ici paradoxalement dans un désert sculpté par l'eau ! Une absurdité qui choque de nos jours (et à raison), mais qui a tout de même engendré un paysage fascinant.
Des panneaux explicatifs très bien pensés permettent de mieux comprendre ces méthodes d'un autre temps lorsque l'on arpente la réserve.
Le clou du spectacle est le « Grand Canyon » comme l'on baptisé les habitants de la région. C'est une sorte de vaste amphithéâtre bordé de falaises abruptes dont le sommet est accessible au prix de quelques marches à gravir.
Des falaises suffisamment hautes pour qu'une chute soit fatale, car comme souvent en Nouvelle-Zélande : il n'y a ni barrière, ni panneau d'avertissement pour mettre en garde les promeneurs.
On fait appel ici plutôt au bon sens du randonneur pour ne pas se promener au bord du vide ! On évite donc de prendre des risques pour une simple photo et l'on surveille plutôt les enfants si l'on voyage en famille !
Les ruines de Stewart Town
On pourrait faire demi-tour ici, mais ce serait dommage, car la suite réserve encore quelques belles surprises. Depuis le haut des falaises, on aperçoit Bailey's Gully (une autre zone d'exploitation aurifère) et les nombreux vergers et vignobles qui entourent Cromwell.
Car une fois les filons épuisés, c'est la vigne qui a pris la relève. Le pinot noir, bien adapté aux sols secs argileux de la région, bénéficie toujours du système d'irrigation hérité des anciens canaux miniers.
Et paradoxalement, le vin rapporte aujourd'hui bien plus d'argent que les brindilles d'or qui permettait à peine aux prospecteurs de survivre.
Des prospecteurs qui habitaient Stewart Town, une ancienne colonie minière que l'on rejoint en longeant le vignoble du même nom où quelques chevaux gambadent paisiblement.
De l'ancien village, il ne subsiste pourtant qu'un seul bâtiment : un cottage en pierre, restauré, auquel on a redonné un toit dernièrement.
La bâtisse ouverte au public se trouve au coeur d'un verger centenaire qui continue à donner des poires et des abricots. Un peu d'ombre est la bienvenue et le DOC a eu la bonne idée d'installer une table de pique-nique.
En poursuivant, vous croiserez un banc solitaire qui fait face à un vaste panorama désertique.
Puis viennent une succession de paysages qui évoquent le Far West, surtout lors d'une section en pente douce, d'autant plus immersive que les falaises dissimulent la ville de Cromwell et toute trace de modernité.
Un peu plus loin, un canal bordé de saules planté pour retenir les berges donne envie de faire un détour, surtout si le soleil cogne fort.
À ce stade, vous pouvez vous le permettre, car il ne reste qu'une dizaine de minutes avant de retrouver le parking et clore cette sortie épatante dans le désert. Un désert sans serpents, puisque la Nouvelle-Zélande en est totalement dépourvue !
Notre avis sur Bannockburn
Bannockburn nous invite à la réflexion, avec un paysage défiguré par la main de l'homme, mais heureusement reconverti en réserve et en décor de cinéma. Un désert artificiel qui étonne aussi, dans un pays à un univers de cascades et fougères. À Bannockburn, on visite en quelque sorte un désert dans une oasis, et non l'inverse.
Ai-je pensé à vous rappeler d'emporter de l'eau, de surveiller les enfants, et d'éviter le hors-piste ? Que pourrais-je ajouter ?
Car la visite de Bannockburn n'a rien d'un exploit, et j'ai même croisé des locaux qui faisaient leur jogging du matin ! Heureusement, les promeneurs se font rares, et l'on se retrouve seul la plupart du temps !
Ce qui n'a rien d'inquiétant d'ailleurs, car il est impossible de se perdre. Le balisage est présent du début à la fin du parcours, et la ville de Cromwell reste en ligne de mire, à seulement quatre kilomètres.
Suivre la boucle dans le sens inverse des aiguilles d'une montre est une astuce recommandée, car le dénivelé est bien plus progressif et l'on profite de paysages plus impressionnants d'entrée de jeu.
Et puis, vous aurez vu l'essentiel en à peine vingt minutes. Si le temps vous manque, cette approche vous permet de réduire Bannockburn à un simple détour de trois quarts d'heure, ce qui conviendra parfaitement si le planning de la journée est très serré.
Si vous avez malgré tout besoin d'aide pour intégrer Bannockburn dans votre itinéraire, parlez-en à un conseiller de l'agence locale francophone.
Il pourra même vous proposer une dégustation de pinot noir dans le vignoble voisin de Mt Difficulty et réserver une table pour déguster des tapas au Bannockburn Hotel, pour faire de cette escale une expérience inoubliable !