Interview
Voici une interview exclusive d'Isabel qui a visité la Nouvelle-Zélande avec un Visa Vacances Travail et partage ses expériences.
Rencontre avec Isabel Lapuyade.
Isabel a passé neuf mois au pays des kiwis avec un Visa Vacances Travail. Nous avons fait connaissance sur Twitter et découvert le blog passionnant où elle raconte ses aventures.
Guillaume : Bonjour Isabel, avant de commencer cette interview, peux-tu nous rappeler le principe du Whakapapa ?
Isabel : Le whakapapa (prononcer fakapapa) est le récit de sa généalogie. Pour les Maoris, c'est remonter jusqu'à l'arrivée des tribus en Nouvelle-Zélande, et se situer dans la mécanique complexe des familles et tribus. Le whakapapa est une carte d'identité généalogique et géographique.
Guillaume : J'imagine que tout le monde a compris où je veux en venir, quel est ton whakapapa ?
Isabel : Quand Boycie, mon prof de surf néo-zélandais d'un après-midi m'a posé cette question, il ne pensait pas avoir le droit à une mini leçon d'histoire européenne. Je suis née en Savoie, d'une maman d'extraction espagnole née en Algérie et qui est arrivée en métropole, à Besançon, en 1962. Du côté de mon père, né dans le Saumurois, c'est un mélange de Meuse et de Pays Basque (avec un peu de Béarn).
Son arrivée en Nouvelle-Zélande.
On ne part pas pour une année entière comme on part en vacances. Le niveau de stress est autrement plus élevé et les préparatifs ne se résument pas à prendre de la crème solaire. Isabel en revanche, semble vaccinée contre cette peur de l'inconnu.
Guillaume : Étais-tu inquiète à l'idée de voyager seule à l'autre bout du monde ?
Isabel : Pas du tout. J'ai eu l'opportunité de partir à l'étranger depuis mes 8 ans, en groupe d'abord, et puis à partir de mes 13 ans, seule. J'allais certes dans une famille d'accueil que je connaissais, mais prendre l'avion, le train, passer les frontières, l'immigration… j'ai très vite appris à ne pas m'inquiéter. Oui, il y a toujours des moments où l'on se demande ce qu'on fabrique à partir à l'autre bout du monde sans personne avec soi, mais je trouve que ça ajoute à l'intensité de l'expérience.
Guillaume : C'est plutôt rare de rencontrer quelqu'un qui n'a pas d'appréhension ! Du coup, comment se sont déroulés tes premiers jours à Auckland ?
Isabel : Overwhelming ! Je ne trouve pas d'autres mots. Je partais ensuite pour un mois d'auberges de jeunesse donc il fallait que je fasse tout l'administratif (compte en banque, téléphone, numéro IRD...) en quatre jours, en plus de visiter le plus possible et de faire les achats de dernières minutes. Pas le temps de s'arrêter un instant.
Guillaume : As-tu trouvé le temps de profiter de la cité des voiles (le surnom d'Auckland) malgré tout ?
Isabel : Je sortais d'un musée pour monter dans un bateau puis direction un autre musée, avant de me poser pour boire un coup avec de nouvelles connaissances. Il y avait le choc culturel aussi, entre cet accent difficile à saisir, la découverte d'une immigration du Pacifique et la gentillesse vraisemblablement innée des locaux... J'aurais aimé rester plus longtemps à Auckland pour mieux découvrir la ville !
Sa vie à Wellington.
Comme la majorité des voyageurs en Programme Vacances Travail, Isabel est arrivée à Auckland. Mais c'est à Wellington qu'elle a passé la majeure partie de son séjour en colocation.
Guillaume : Pourquoi es-tu restée aussi longtemps à Wellington ?
Isabel : Wellington était la ville où mon mois d'exploration de l'île du Nord devait se finir. Je pensais y rester un ou deux mois, puis repartir sur une autre ville. Et puis, j'y ai trouvé des amis, une amoureuse, un réseau social, du boulot et de fil en aiguille je suis restée. Je suis aussi tombée amoureuse de la ville, qui est sans cesse en mouvement, avec toujours un festival en cours. Wellington devait être une ville de passage et j'y ai trouvé… mon chez-moi.
Guillaume : Je pense que c'est un sujet qui va intéresser la plupart des aspirants au Programme Vacances Travail : comment s'est déroulée ta recherche de colocation ?
Isabel : J'ai fait deux colocations à Wellington. La première, je l'ai trouvée en ligne sur nzflatmates.co.nz, depuis la France. Autant dire que lorsque mon bus m'a déposé à la gare de Wellington, je me demandais si j'avais vraiment une coloc qui m'attendait. Au final, une grande maison sur les hauteurs de Karori, une vue imprenable et des colocataires géniaux.
Guillaume : C'est vraiment un quartier fantastique, et juste à côté de Zealandia en plus ! Comment as-tu trouvé ta seconde colocation à Wellington ?
Isabel : Je l'ai trouvée sur place, à côté du centre-ville, avec une amie, via TradeMe. Il faut savoir qu'on demande en général 2 semaines de loyer plus la caution (entre 2 à 4 semaines) pour sécuriser un logement. Mon avantage c'était que je n'étais pas en couple et n'avais pas de chat. Ce sont les deux obstacles principaux quand on cherche une colocation, à Wellington, tout du moins.
Emploi et budget pour financer le voyage.
La question du budget est très délicate, et n'importe quel voyage peut tourner au fiasco si l'on ne s'organise pas correctement. Isabel a heureusement trouvé la formule pour travailler et se loger durant son PVT
Guillaume : Sachant qu'un budget mal maitrisé est souvent synonyme de retour en France, comment gérais-tu ton budget au quotidien ?
Isabel : Au début, très mal. Il faut savoir que le salaire n'est pas mensualisé et que le loyer non plus. Mon salaire était à la semaine et mon loyer bimensuel, donc les premiers temps, la gestion a été chaotique et puis avec l'habitude on finit par y arriver rapidement. Gros avantage ; les impôts sont prélevés à la source donc pas de soucis de gestion de ce point de vue là.
Guillaume : Encore fallait-il trouver du travail, mais quel type d'emploi peut-on dénicher à Wellington avec un VVT ?
Isabel : De tout. C'est la capitale du pays et le lieu sur terre où il y a le plus de cafés par habitant. Donc si l'on veut travailler dans la restauration il y a plus que le choix. De même que travailler pour le gouvernement néo-zélandais est assez facile.
Guillaume : Je ne suis pas surpris pour ce qui est du travail dans la restauration, mais je n'avais pas imaginé que l'on pouvait travailler directement pour l'État. Quel poste as-tu occupé ?
Isabel : À travers mes recherches dans l'intérim, j'ai trouvé deux postes dans l'administration, un pour la branche logements sociaux du Ministère du Logement et un pour IRD, l'équivalent de nos finances publiques. Une fois mes recherches engagées, j'ai trouvé mon premier emploi en un mois.
Guillaume : Cela ressemble à un véritable emploi plutôt qu'à un petit boulot d'étudiant... l'expérience a duré combien de temps ?
Isabel : Mon premier contrat de 10 semaines s'est étendu sur 5 mois et si je n'avais pas eu des soucis d'expiration de visa, on me proposait un CDD de 6 mois en tant que responsable de service à Christchurch. Donc on trouve tout type de travail, pas trop difficilement, et j'ai trouvé qu'on donnait très facilement sa chance aux gens s'ils sont motivés.
Rencontres avec les Kiwis.
Si la Nouvelle-Zélande attire de plus en plus de jeunes en Programme Vacances Travail, ce n'est pas seulement à cause de la beauté de ses paysages. L'hospitalité légendaire des Néo-Zélandais (les Kiwis) est reconnue dans le monde entier et Isabel peut en témoigner.
Guillaume : La Nouvelle-Zélande a récemment été classée deuxième pays le plus accueillant au monde. Comment as-tu trouvé les Kiwis ?
Isabel : Serviables, ouverts d'esprits, très agréables. Et ça fait partie du choc culturel vécu en arrivant. Quand tu as un souci, on te propose de t'aider. C'est quasi automatique et sacrément flippant quand on a perdu cette habitude. Les gens ne te connaissent pas, mais ce n'est pas grave.
Guillaume : Peux-tu nous raconter une anecdote qui illustre bien le caractère spontané des Néo-Zélandais ?
Isabel : Arrivée à Kaitaia, je vais à l'office du tourisme demander quand est le prochain bus pour Ahipara (à 15 km de là). La personne de l'accueil m'annonce qu'il n'y en a pas le weekend, mais si je peux attendre deux heures, elle va dans cette direction donc elle peut me déposer si je veux. Tout ça dans un même souffle.
Guillaume : À l'arrivée, on croit souvent qu'il s'agit d'un coup de chance, mais ce genre d'attention est finalement presque banal...
Isabel : À Russell (dans la baie des îles), je demande à la caissière de la supérette si je tourne à droite ou à gauche pour démarrer ma balade en direction de ma nouvelle auberge de jeunesse. Elle m'indique le chemin, se fait rabrouer par un homme dans la file d'attente, qui vient prendre mon plan, déclare que je vais chez ses voisins et que si la caissière peut lui scanner ses courses, il m'emmène directement.
Guillaume : Cela semble inimaginable en France, mais est-ce que cela facilite la recherche d'emploi ?
Isabel : Lorsque je cherchais un emploi, des personnes que je venais juste de rencontrer se sont proposées pour faire diffuser mon CV. Après, comme partout, il faut de tout pour faire un monde, mais de façon générale, j'ai trouvé les Kiwis extrêmement accueillants, fiers de leur pays et bons vivants.
Guillaume : Je profite de l'occasion pour te demander comment sont perçus les Français en Nouvelle-Zélande ?
Isabel : Beaucoup mieux que ce que je pouvais penser. Nous sommes principalement connus pour le rugby et ils apprécient que notre équipe se donne à fond pour les matchs contre les All Blacks. Donc par généralisation on nous apprécie.
Guillaume : Mais est-ce que l'affaire du Rainbow Warrior est oubliée depuis 1985 ?
Isabel : La génération se souvenant du Rainbow Warrior concède qu'elle a vite compris que c'était l'oeuvre du gouvernement français, et non des Français en général. Ils ne nous tiennent pas rigueur d'être à l'origine du seul acte de terrorisme ayant eu lieu dans leur pays.
L'atmosphère des matchs de rugby.
La Nouvelle-Zélande est le pays du rugby par excellence. Si les touristes qui voyagent en été n'ont pas souvent l'occasion d'assister à des matchs, les jeunes du Programme Vacances Travail ont ce privilège, et Isabel n'a pas fait exception à la règle.
Guillaume : Est-ce que tu aimes le rugby, et as-tu assisté à des matchs durant ton séjour en Nouvelle-Zélande ?
Isabel : Gamine, mon idole c'était Jonah Lomu. Et voir un match des All Blacks en Nouvelle-Zélande était un rêve. Chanceuse comme je suis, l'équipe de France est venue jouer trois matchs en Nouvelle-Zélande et j'ai donc pu assister à l'une de ces rencontres. J'ai pu découvrir ce qu'arriver en terrain conquis signifiait. Le stade de New Plymouth, c'est 25 000 places : les tribunes étaient bondées.
Guillaume : Est-ce qu'il y avait des supporters Français sur les gradins ou bien étais-tu la seule frenchie ?
Isabel : Un rapide coup d'œil m'a permis d'estimer qu'il devait y avoir environ cinquante Français dans l'assistance.... autant dire que dès que l'on en voyait un, on s'accrochait à lui. Mais l'ambiance était bon enfant, on se faisait chambrer parce que la France avait perdu 30-0 le précédent match et dans la queue pour la buvette un gamin curieux a demandé à son père “ce qui se passerait si les Français arrivent à gagner ...”.
Guillaume : Un beau souvenir, mais j'espère que tu as porté les couleurs de la France durant le match ?
Isabel : Deux grands moments ; chanter hurler la Marseillaise à tue-tête en tentant de faire croire qu'on était au moins 500 personnes et voir le haka en live ! Ah non, troisième grand moment : être face aux poteaux lorsque Carter loupait ses pénalités. Un regret aura été de ne pas assister à un match des Sevens lors du passage de la compétition à Wellington, mais j'ai pu voir la parade et l'équipe de France lors de la cérémonie de bienvenue.
Expériences inoubliables.
Difficile d'imaginer une expérience plus intense qu'un séjour d'une année dans un pays étranger. Il faut compter presque exclusivement sur soi-même et les souvenirs que l'on en garde sont extraordinaires.
Guillaume : Sur un séjour aussi long, les souvenirs se comptent par centaines, mais quels ont été tes moments le plus forts sur le plan émotionnel ?
Isabel : Mon face à face avec un dauphin, la totalité du match NZ/FR, marcher dans le centre-ville désert le lendemain du tremblement de terre (il avait été fermé pour raison de sécurité), marcher pendant deux heures sur le volcan marin en activité de White Island, arriver au Cape Reinga et ne rien voir face à soi que deux mers se rencontrant et se sentir petite face à cette immensité... même sentiment d'être minuscule face à Tane Mahuta (13m de large, 50m de haut, 2000 ans d'âge), assister à un lever de soleil alors qu'on randonne entre deux volcans enneigés, l'avant-première du Hobbit au bord du tapis rouge...
Guillaume : Mais un Programme Vacances Travail comporte presque toujours une grosse galère... est-ce que tu y as échappé malgré tout ?
Isabel : Hormis le moment où j'ai appris que mon appart était inondé, le dimanche des tremblements de terre successifs et mon départ larmoyant... les moments forts ont été très positifs.
Guillaume : Voilà d'ailleurs un sujet qui inquiète parfois les nouveaux arrivants... as-tu vécu des tremblements de terre ?
Isabel : La terre tremble constamment dans le pays et si on a l'envie de se faire peur, il faut s'abonner à @geonet sur Twitter qui liste les tremblements en temps réel. Au début, cela impressionne et puis on finit par ne plus réagir aux tremblements ressentis qui sont en dessous de 4 de magnitude.
Guillaume : Cela n'a pas l'air si inquiétant que cela en définitive... c'est une question d'habitude ?
Isabel : Oui, mais fin juillet 2013 quand j'ai débuté un weekend avec un tremblement de magnitude 5, pour finir le dimanche soir avec 6.9, et des secousses plus ou moins fortes tout le weekend... quasiment non-stop... là ça commençait à faire sacrement peur ! Surtout quand les locaux commencent à paniquer ! Il faut savoir que Christchurch est encore ancré dans les mémoires, et qu'à magnitude 7.5, Wellington passe en alerte tsunami.
Des coups de coeur à partager.
Contrairement au vacancier qui s'appuie sur un guide, le voyageur en PVT improvise et découvre des merveilles souvent plus authentiques. Isabel a bien voulu nous livrer quelques-unes des ses bonnes adresses !
Guillaume : Comme tu as passé presque une année entière en Nouvelle-Zélande, tu peux certainement nous conseiller quelques cafés ou restos sympas ?
Isabel : À Auckland, pour un bon Fish & chips je recommande Queen's Ferry Hotel sur Vulcan Street, en plein cœur du centre-ville. Il y a aussi Origins à Parnell, pour un bon petit déjeuner. J'ai eu un immense coup de cœur pour Waitomo's General Store, à Waitomo, qui sert un burger à l'agneau à tomber. À Whangarei, le bien nommé Caffeine offre une carte excellente et le meilleur café de la ville.
Guillaume : Et à Wellington que tu connais par coeur pour y avoir travaillé durant plusieurs mois ?
Isabel : Wellington est truffé de petits restos et cafés, avec pas mal de bons choix le long de Cuba St (Olive, Plum, Fidel's, El Matador, …) et Courtenay Place. Côté cafés, Memphis Belle, Mojo et The Hangar. Et si l'on veut manger malais pour pas cher : KK Malaysian. Pour de la bière, The Rogue & Vagabond, Southern Cross et Hashigo Zake. Les meilleures pizzas sont chez Pizzeria Napoli (ou bien à emporter, chez Tommy Millions). Et partout dans le pays, si vous voyez un Burger Fuel, allez-y, ne serait-ce que pour leurs kumara fries (des frites de patate douce).
Guillaume : Et quand tu te lassais de la cuisine anglo-saxonne, comment faisais-tu ?
Isabel : Si la France vous manque, direction Crêpe-a-Gogo sur Manners Street à Wellington, pour une bonne crêpe au Nutella et une discussion en français.
Et si c'était à refaire...
On peut affirmer qu'Isabel a réussi son Programme Vacances Travail. Mais à l'heure de faire le bilan, nous lui avons demandé si elle referait exactement la même chose.
Guillaume : Certains sautent à l'élastique, d'autres s'essayent à la plongée... As-tu profité de ton PVT pour essayer de te dépasser ?
Isabel : J'ai découvert le surf... enfin, j'ai fait du body-surfing en essayant vainement de monter sur la planche, le tout dans un des 10 meilleurs spots de surf au monde. Magique !
Guillaume : En plus de te perfectionner au surf, que changerais-tu si tu pouvais refaire un PVT ?
Isabel : Je m'y prendrais plus tôt pour chercher du travail. Et peut-être que je voyagerais davantage, plutôt que de rester 8 mois sur une même ville, même si en l'occurrence c'est une chose que je ne regrette pas. Mais oui, me mettre à chercher du travail plus tôt, afin de pouvoir faire quelques petites choses que je n'ai pu faire cette fois-ci, comme faire un trek de rando dans l'île du Sud ou remonter à Ahipara pour une semaine complète entre les vagues et moi. Et acheter une voiture pour ne pas dépendre des horaires de cars et me balader quand bon me semble !
Guillaume : Il ne me reste plus qu'à te remercier d'avoir accepté cette interview pour Kiwipal. Je tiens à préciser à nos lecteurs que nous avons seulement survolé le voyage d'Isabel. Celles et ceux qui aimeraient en savoir plus peuvent visiter son excellent blog, et découvrir le récit d'une aventure unique en Nouvelle-Zélande !