Guide détaillé
La Nouvelle-Zélande racontée simplement.
J'ai reçu des milliers de questions sur la Nouvelle-Zélande, mais rarement sur ses origines ou son Histoire. Peut-être parce que l'on a tendance à réduire la destination à quelques clichés autour du rugby, des moutons ou des paysages du Seigneur des anneaux.
C'est pourquoi j'ai longtemps remis la rédaction de cet article à plus tard. Il me semblait d'ailleurs inconcevable de prétendre traiter l'Histoire de la Nouvelle-Zélande sans être moi-même d'origine néo-zélandaise ! Et puis les musées du pays sont excellents.
J'ai changé d'avis quand j'ai commencé à véritablement m'intéresser à la question des guerres coloniales entre les Britanniques et les Maoris.
Je suis arrivé à la conclusion que l'on ne pouvait pas comprendre la Nouvelle-Zélande contemporaine sans cet éclairage.
Bien entendu, il ne s'agit pas de donner ici un cours magistral sur la Nouvelle-Zélande, et j'en serais d'ailleurs bien incapable !
J'ai choisi de raconter l'Histoire du pays le plus simplement du monde, en suivant un ordre chronologique, comme je le ferais avec un ami.
J'espère en tout cas réussir à vous donner quelques clés pour mieux comprendre la destination avant votre séjour.
Je vous remercie par avance d'être venu lire cette petite Histoire de la Nouvelle-Zélande !
La découverte par les Maoris et les Occidentaux.
Il suffit d'observer la position excentrée de la Nouvelle-Zélande sur la carte pour comprendre pourquoi les îles qui la composent furent les dernières à être découvertes par l'Homme.
La date de l'arrivée des premiers Maoris en waka (pirogue) fait toujours débat, mais la plupart des historiens s'accordent sur une tranche comprise entre 1250 et 1350 après J.-C. Les Maoris, d'origine Polynésienne, établissent un système de tribus (iwi) divisées en clans qui s'affrontent parfois, mais s'unissent pour lutter contre d'autres tribus rivales. L'enjeu est essentiellement d'avoir la mainmise sur des zones de chasse ou de pêche.
Si l'aspect guerrier s'est estompé avec le temps, l'attachement à la tribu est encore très vivant de nos jours.
Les premiers Européens arrivent quelques siècles plus tard en 1642. C'est Abel Tasman qui débarque en premier et constate la beauté des paysages. L'origine hollandaise de ces navigateurs va donner son nom au pays, car le cartographe de l'expédition baptise les terres « Nova Zeelandia », en référence à la province de Zélande aux Pays-Bas !
La Nouvelle-Zélande doit son nom à l'origine hollandaise des premiers explorateurs.
Le premier contact avec les Maoris dégénère en tuerie à Golden Bay (la « Baie des assassins »).
La Nouvelle-Zélande est enfin sur la carte, mais les îles ne sont pas cartographiées et les Européens qui rentrent au pays évoquent une terre sauvage peuplée de cannibales sanguinaires…
Cela suffira pour décourager le financement d'autres expéditions pendant près d'un siècle !
Mais le monde change, et le temps des Empires arrive avec son irrésistible soif de conquêtes. En 1769, le capitaine Cook longe les côtes de Nouvelle-Zélande.
Durant une expédition de quatre ans, botanistes et cartographes recueillent des notes pour préparer une future colonisation.
Cook a l'heureuse idée de ne pas traiter les Maoris comme des sauvages et repart sans la moindre effusion de sang.
L'Histoire du pays aurait été complètement différente si le navire de Cook avait fait naufrage ou si les Maoris avaient massacré les explorateurs …
Début de la colonisation et Guerre des mousquets.
Après le succès de Cook, d'autres expéditions vont suivre, toujours anglaises, mais aussi italiennes, russes et françaises. Les Français d'ailleurs commencent par entretenir de bons rapports avec les Maoris.
Mais les marins ne savent pas se tenir et la situation dégénère à nouveau en bain de sang. La réputation guerrière des Maoris se propage à nouveau en Europe, et ralentit une fois de plus le processus colonial.
À défaut de pouvoir s'installer vraiment, les Européens constatent la présence de baleines et des otaries dont le commerce est très lucratif à l'époque. Peu à peu, un système de troc se met en place avec les Maoris. On échange des outils contre des matières premières vitales comme l'eau potable ou le bois pour réparer les navires (sans parler de la prostitution).
Peu à peu, la population maorie se transforme au contact des Européens.
Au contact des Occidentaux, la société maorie commence à se transformer et les missionnaires chrétiens débarquent à la même période. Mais c'est le trafic d'armes qui va bouleverser l'ordre établi !
Pour une tribu maorie armée de mousquets, l'avantage militaire est bien réel et la tentation trop grande pour ne pas faire parler la poudre !
La guerre des mousquets oppose les tribus maories entre elles sans que les Occidentaux soient impliqués directement (ils se contentent de fournir les armes).
Vingt mille morts plus tard, le conflit prend fin lorsque toutes les tribus se retrouvent équipées d'armes à feu et donc à armes égales. Le Waikato où la ville d'Hamilton n'existe pas encore se trouve pratiquement dépeuplé.
Paradoxalement, ce carnage apprend aux Maoris comment construire des défenses efficaces contre les balles. Les Anglais en feront les frais plus tard, et les Maoris seront les premiers à offrir une véritable résistance à la couronne Britannique habituée naguère à balayer ses adversaires sans difficulté.
Le traité de Waitangi et l'échec des colons Français.
De 1788 à 1840, les Britanniques considèrent la Nouvelle-Zélande comme une extension du continent australien. Personne ne juge opportun de renforcer le contrôle sur des îles éloignées qui ne rapportent pas grand-chose.
Ce sera la crainte de voir la France contester leur suprématie qui va accélérer le processus colonial. Le gouvernement anglais nomme William Hobson pour proclamer la souveraineté sur la Nouvelle-Zélande et le charge de négocier avec les Maoris.
Le traité de Waitangi signé dans la Baie des îles le 6 février 1840 demeure à ce jour l'acte fondateur de la Nouvelle-Zélande (la fête nationale est toujours célébrée chaque année à cette même date).
Le traité restreint la vente des terres aux seuls Britanniques pour mettre les autres nations hors course. Il est aussi censé garantir les droits à la propriété des Maoris.
Hélas, le texte rédigé dans l'urgence est bâclé et sa traduction fait encore l'objet de vifs débats aujourd'hui ! Certaines tribues n'ont d'ailleurs jamais été conviées à le signer, notamment celles de la future région de Gisborne sur la côte est de l'île du nord.
Mais cette fois, la colonisation est en marche et la population européenne passe de 2000 individus en 1839 à plus de 28 000 en 1852.
Les colons sont recrutés par la New Zealand Company qui installe des comptoirs et fonde les villes de Wellington et New Plymouth sur l'île du Nord puis Nelson et Christchurch sur l'île du Sud.
La colonisation s'accélère entre 1839 et 1852.
À ce stade, et aussi incroyable que cela puisse paraître, seule l'île du Nord est vraiment connue des Occidentaux !
Les Européens ont certes cartographié les contours de l'île du Sud mais ne l'ont pas encore explorée sérieusement.
Ce sera la découverte d'importants filons d'or qui va attirer des aventuriers de tous les pays du monde et accélérer le peuplement.
En 1836, la France se réveille et un premier corps expéditionnaire achète des terres à une tribu maorie de l'île du Sud pour une bouchée de pain.
Mais la scène politique est agitée et l'affaire traîne en longueur avant que le premier navire de colons ne parte en 1840 pour établir la présence française.
À quelques jours près, une grande partie de l'île du Sud de la Nouvelle-Zélande aurait pu appartenir à la France !
Les colons épuisés par la navigation commettent l'erreur de se ravitailler au Nord dans un port sous domination anglaise ...
Conscients du danger, les Britanniques devancent leurs rivaux et l'Union Jack flotte déjà sur Akaroa lorsque les marins français débarquent. La chance a tourné et ne se représentera plus ! Les aspirants-colons sont naturalisés anglais, mais les rues du village portent aujourd'hui encore des noms français.
Les guerres sanglantes avec les Maoris.
Jusqu'à présent, et si l'on passe sous silence la Guerre des Mousquets où ils étaient mouillés indirectement, les anglais entretiennent de bons rapports avec les Maoris. Le commerce avec les Pahekas (le mot maori qui désigne les étrangers) profite à tous.
Le traité de Waitangi garantit aux tribus la possession de leurs terres, notamment les zones de pêche et de chasse ou les sols sacrés.
Hélas, il n'est pas dans l'habitude des Anglais de s'installer quelque part sans prendre des libertés.
Peu à peu, le gouvernement de Sa Majesté ferme les yeux sur les abus de ses ressortissants, et ne joue pas son rôle d'arbitre impartial. Des terrains changent de main sans donner lieu à des contrats de vente, et le ressentiment grandi au sein de la population maorie.
Je n'ai rien contre les Anglais, mais il faut rappeler qu'ils ont agressé 90% des pays du monde durant leur Histoire.
La situation se dégrade et dégénère bientôt en conflit armé. Si les premiers combats relèvent de l'échauffourée, on compte bientôt une dizaine de morts par affrontement.
Ces Guerres maories vont durer jusqu'en 1870 et se solder par de lourdes pertes humaines du côté des tribus avec une population réduite de moitié en cinquante ans à peine.
Durant la même période, et malgré la violence du conflit, la présence britannique est multipliée par dix pour atteindre le nombre de 250.000 colons contre 50.000 Maoris seulement !
Comment résumer des décennies de guérillas qui impliquent des tribus dont les alliances vont et viennent au gré des défaites et des victoires ?
Parmi les faits marquants, il faut mentionner l'acte symbolique du chef Hōne Heke qui abat l'Union Jack à Flagstaff Hill pour hisser le drapeau des tribus unifiées.
La volonté de la couronne de reprendre la mainmise déclenche l'invasion du Waikato.
Les 14.000 soldats Anglais font face à la résistance acharnée de 4000 guerriers maoris retranchés dans des villages fortifiés.
Le décompte macabre porte les morts à près d'un millier côté maori et 700 du côté anglais.
Des pertes presque équilibrées qui reflètent mal le caractère inégal de la lutte entre une armée de métier formée à la guerre coloniale et des tribus sans unité mais déterminées.
Une accalmie s'installe qui ne débouche pas sur la paix mais sur la Guerre de Taranaki près de New Plymouth.
Les Guerres maories sont marquées par des actes de cruauté de part et d'autre.
Les Britanniques adoptent cette fois la tactique de la terre brûlée. Les exactions les plus cruelles ont lieu quand l'armée anglaise cible les villages sans défense.
Les années qui suivent sont encore plus violentes et l'on assiste même au retour du cannibalisme rituel qui avait disparu durant la Guerre de Titokowaru.
La résistance maorie s'établit dans des enceintes fortifiées que les Anglais bombardent avant de juger plus efficace de couper les ravitaillements. L'épuisement mène à la fin du conflit, les Maoris ne pouvant subvenir aux besoins de leurs familles tout en faisant la guerre, tandis que les Britanniques bien approvisionnés continuent d'arriver en nombre.
Le conflit prend fin quand la population maorie n'est plus en état de faire la guerre.
Le souvenir des guerres perdure et il faut attendre 1975 pour assister à l'instauration d'un tribunal chargé de rétablir les Maoris dans leurs droits. Une manière pour les descendants des colons britanniques de réparer tant bien que mal les injustices et les atrocités d'autrefois.
Vers l'autonomie et la modernité.
Avec la signature du traité de Waitangi, la Nouvelle-Zélande est passée sous la souveraineté de la couronne britannique. Pour gagner son autonomie, le pays va devoir franchir plusieurs étapes et le processus sera long.
En 1854 le premier parlement se réunit et commence à administrer le pays, mais il faut attendre un demi-siècle jusqu'en 1907 pour que le pays se voie accorder un statut de dominion. Enfin, la souveraineté est proclamée en 1947 au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.
La Nouvelle-Zélande ne gagne son autonomie vis à vis de l'Angleterre qu'en 1947.
Le pays est alors dégagé de la tutelle britannique, excepté sur les questions diplomatiques et militaires. En d'autres termes, le Royaume-Uni n'intervient plus dans la politique intérieure mais garde la mainmise sur les relations extérieures, ce qui reste un moyen de contrôle très efficace pour un pays aussi isolé.
Parallèlement à cette évolution constitutionnelle, la Nouvelle-Zélande fait rarement parler d'elle si ce n'est pour ses réformes progressiste et audacieuses.
Il fallait bien du courage pour être le premier état à accorder le droit de vote aux femmes en 1893, cinquante ans avant la France !
L'économie quant à elle tarde à décoller et ne prend son envol qu'avec l'invention de la réfrigération qui permet enfin l'exportation de la viande et du lait vers l'Europe. Une dépendance économique qui se paie cher lors de la crise de 1929 qui plonge le pays dans la récession.
Sur le plan militaire, la Nouvelle-Zélande envoie de la chair à canon (notamment des bataillons maoris héroïques) lors des deux Guerres mondiales et durant les principaux conflits ou les Britanniques sont engagés (Guerre des Boers, canal de Suez…).
Les Néo-Zélandais participent à toutes les Guerres menées par le Royaume-Uni.
Après la boucherie de 39-45, la transformation de la société est devenue palpable. Un signe qui ne trompe pas concerne la population maorie qui rompt avec ses habitudes et part s'installer en ville. La perte d'identité chez la jeunesse se traduit par la naissance de gangs et de tensions communautaires.
Les décennies qui suivent voient le pays adopter une politique économique libérale radicale, qui met fin à l'étatisme d'antan. Le succès est au rendez-vous, mais les faibles salaires poussent les jeunes à s'expatrier en Australie (un phénomène enrayé à l'heure où j'écris ces lignes, l'écart entre les deux nations s'étant considérablement réduit).
La Nouvelle-Zélande de nos jours.
La Nouvelle-Zélande est devenue l'une des démocraties les plus prospères au monde, avec une qualité de vie exceptionnelle et une population accueillante. Des classements comme le Mercer placent même Auckland à la seconde place des villes les plus agréables à vivre.
La conscience écologique des Néo-Zélandais née avec l'affaire du Rainbow Warrior ne cesse de croître depuis.
Certains parcs nationaux sont conservés intacts, car la population refuse l'exploitation de mines ou la construction de barrages !
Récemment, une rivière a même obtenu un statut juridique qui lui reconnaît les droits d'une personne à part entière.
Les guerres font partie du passé et la Nouvelle-Zélande est devenue un pays pacifique.
L'avenir nous dira ce que les Kiwis feront des atouts extraordinaires que la nature leur a donnés. Même si l'autorité de la couronne se résume à peu de chose aujourd'hui, la population demeure attachée à l'Angleterre. Le rejet du référendum sur le projet de modernisation du drapeau en 2016 est révélateur d'un certain conservatisme.
Enfin, difficile de ne pas s'offusquer du sort réservé aux Maoris par les Anglais durant la colonisation…
On rappellera toutefois que les Français de l'époque avaient aussi essayé d'acheter une partie de l'île du Sud pour un millier de francs.
Le temps des empires est certes révolu, mais le passé demeure un sujet sensible sur lequel un étranger ne peut guère s'exprimer sans risquer l'anachronisme. Faut-il idéaliser une société maorie violente ou l'écriture n'existe pas et où l'on meurt à 35 ans si l'on a survécu aux guerres tribales ?
On aurait tort de sous-estimer l'importance du rugby qui a permis de souder la population autour des All Blacks.
Il n'en demeure pas moins que tous les problèmes ne sont pas réglés, et la pauvreté frappe surtout la communauté maorie.
De nombreuses restitutions de terres aux tribus ont eu lieu depuis les années 80, et les tensions se sont apaisées peu à peu.
Les Maoris d'aujourd'hui se considèrent avant tout comme des Néo-Zélandais et le pays est tourné vers l'avenir.
Bien entendu, le voyageur de passage ne verra rien de tout cela, tout comme le touriste qui admire la tour Eiffel ne perçoit qu'une image partielle de l'Histoire de France.
Le passé de la Nouvelle-Zélande comporte une part d'ombre, et la force de ses habitants est d'avoir réussi à se réconcilier pour construire une grande démocratie prospère.